Dans la mémoire collective, si Lyon est le symbole de la Résistance elle est aussi le siège de la Gestapo et de la Milice où Klaus Barbie et Paul Touvier se sont distingués par leur sauvagerie. Mais qui se souvient de Francis André, l’autre « boucher de Lyon » ? Évoquer les événements dramatiques qui ont meurtri la région dans les derniers mois de la guerre, c’est forcément croiser la sinistre route de Francis André. Charles-Francisque André ou Francis André est né le 25 février 1909 à Lyon, et sera fusillé le 9 mars 1946 au Fort de la Duchère en tant que collaborationniste, chef de la Gestapo française dans la XIVe Région, celle de Lyon. Son surnom, Gueule tordue — dû à une paralysie faciale, suite à un accident de voiture au moment de l’adolescence —, restera associé à un homme à l’engagement brutal. Membre du PPF, il adhère sans réserve à l’idéologie doriotiste qu’il concrétise sur le Front russe par son engagement dans la LVF. À son retour en 1943 à Lyon il devient chef du MNAT et de la Gestapo française. Agissant autant par conviction politique que par cupidité, il sous-traite les exactions nazies. Il utilise sans réserve les mêmes méthodes bestiales et les mêmes moyens policiers que Klaus Barbie à l’encontre des résistants, des communistes, des francs-maçons et des juifs. Chef d’orchestre de la répression et des persécutions, il dirigera entre 1943 et 1944 une équipe qui opère le plus souvent en toute autonomie. Fin août 1944, il suit dans leur fuite les Allemands jusqu’à son arrestation en Italie en 1945.
Au jour le jour, les crimes, les trafics commis sous couvert de répression légale, sont décrits le plus fidèlement possible. Ce foisonnement de réalisme est permis grâce au travail méticuleux des auteurs dans de très nombreuses archives dont celles de la collaboration, de la police et de l’épuration. Dans une perspective volontairement socioanalytique, cet ouvrage déplace le curseur de lecture du côté des bourreaux. Par ce prisme, il est possible de décrypter autrement et avec exactitude le vécu des Lyonnais pendant la guerre. Il permet de découvrir le caractère massif et rapide de la répression et des persécutions tout en montrant l’acharnement qui s’intensifie avec la défaite qui se profile. En évoquant l’itinéraire meurtrier et sanguinaire des bourreaux, on s’attache en réalité à parler des victimes. Les auteurs ont eu à renseigner les familles des victimes sur le devenir de leurs aïeux. Enfin, ce livre est un concentré de la violence libérée en France, exercée par des Français, en grande partie contre des Français, dans une ville si loin des lignes de front de l’Europe en guerre. Ainsi, cette étude à l’échelle locale analyse le dispositif sécuritaire mis en place dans l’Europe occupée.
Rédiger la biographie d’un salaud et de ses hommes de main est un moyen de parler sans détour des victimes et de montrer au plus près de leur vécu les tourments, les souffrances physiques et morales qu’elles ont subis.